ANTOINE, LIBRAIRE INDÉPENDANT DANS SON VILLAGE FACE À AMAZON. QUI GAGNE ?

Bien conscients que la crise touche aussi bien les villes que les campagnes, nous choisissons aujourd’hui de parler des campagnes, simplement parce que nous y vivons et  y travaillons.

 

PETITS COMMERCES : FAUT-IL MOURIR FACE AUX GÉANTS ? 

Écrasés par la crise, les petits commerces et les services de proximité en milieu rural peinent à survivre. Que vont devenir ces lieux, à côté de chez nous, où nous nous rendons pour acheter un cadeau d’anniversaire, boire un verre, se cultiver …? 

Comment peuvent-ils survivre quand les plus gros – vente en ligne, hypermarchés – ont une force de frappe immensément supérieure. Marketing, communication, achat d’espaces publicitaires, agilité commerciale qui permet d’ouvrir un nouveau rayon en très peu de temps, prix cassés et Black Friday… A l’approche de Noël, les petits magasins de jouets ou les librairies ont-ils une chance face à une telle concurrence ?

Dans notre rue de la petite ville de Crest dans la Drôme, mais aussi dans les communes où nous travaillons, dans l’Ain, en Ardèche, en Isère ou dans la Loire, nous voyons déjà des commerces et des restaurants tirer leur révérence et s’étendre plus encore le triste phénomène de désertification : vitrines vides, portes closes, morosité ambiante... De quoi vont vivre ces personnes ? Comment vont-elles payer leur loyer ? De quelle marge de manœuvre disposent-elles à part se révolter et être hors la loi dans le pays où, contrairement aux géants du web, elles payent leurs taxes et leurs charges salariales ?

 

DÉSERTIFICATION ET CRISE COVID : ENTRE DOUBLE PEINE ET SOLUTIONS D’AVENIR

Dans les campagnes, villages et petites villes, le flux de clients dans les commerces est bien moindre, simplement parce que les habitants sont moins nombreux qu’en ville. Pas de foule compacte dans les magasins, pas de cafés bondés. La désertification a déjà fait des ravages. Fermer les commerces dans des endroits déjà fragilisés, c’est la double peine.

Propice à l’innovation et en ces temps de crise, la campagne pourrait être un terrain d’expérimentation dans ce contexte de crise. L’occasion d’une gestion à plus petite échelle, à l’échelle d’une commune par exemple et sur le long terme. A l’image d’une coopérative, et dans une dynamique participative, chaque partie prenante serait acteur et “ameneur” de solutions, sans subir le couperet d’une décision verticale, tout en prenant, à son niveau, la mesure de la responsabilité de ses actions au quotidien.

Des discussions entre commerçants, usagers et mairie pourraient permettre de mettre en place ensemble des mesures pour limiter la propagation du virus, pour ne pas délaisser les personnes qui vivent de leurs commerces et services du quotidien et pour ne pas tourner le dos au lien social qui est aussi une fonction essentielle des petits commerces et services.

A Luzy, dans le Morvan, nous avons récemment découvert “Allô Luzy”, un système de commande favorable à ceux qui ne sont pas connectés, les personnes âgées par exemple. Après un appel au commerçant ou à sa bibliothèque, les personnes peuvent se faire livrer par un employé municipal en contrat d’insertion. Une solution utile en cas de crise mais aussi durable parce qu’elle répond à un besoin, celui des personnes âgées ou qui ne peuvent pas se déplacer. Créatrice d’emploi, cette initiative soutient le commerce de proximité.

Le système du “click and collect” est une solution d’urgence qui, nous le souhaitons, permettra à certains commerçants de ne pas tout perdre, de sauver la période de Noël. Mais c’est une solution de court terme qui demande au commerçant, en urgence, de référencer tous ses produits et de se battre sur le même terrain que le géant Amazon. A long terme, qu’en sera-t-il du contact humain, de la convivialité ?

 

LE NON-ACHAT RESPONSABLE

Quand nos vies et notre environnement le permettent, quand nous avons le choix, nous essayons d’être des “consommateurs responsables” : acheter local, éviter les marques qui participent à la déforestation ou au travail des enfants. L’achat fait le consommateur responsable, le non-achat également.

Refuser d’acheter tous ses cadeaux de Noël sur Amazon ou ses livres dans un hypermarché est une façon de soutenir les petits commerçants, de leur rendre un tout petit peu justice face à une concurrence sans pitié. Ces commerces et services font vivre les gens qui s’en occupent mais aussi les centres des villages, les petites communes et leurs habitants. Quel pourrait être le paysage sans ces activités ? Des hypermarchés et une centrale d’achat mondiale comme Amazon ? Des ronds-points et des zones commerciales ?

Pour toutes ces raisons, nous souhaitons fortement que les commerces et services de la rue, du village, des zones rurales puissent au plus vite rouvrir boutique. N’ajoutons pas une attitude de mépris à une crise économique. Les indépendants, commerçants de proximités sont des gens responsables en mesure de faire respecter les mesures sanitaires les plus strictes, et souvent encore davantage que de grandes enseignes. 

Nous n’avons pas de solution miracle mais le plus possible, nous cherchons à tendre vers un idéal, celui de l'Économie Sociale et Solidaire et de ses valeurs de solidarité et d’utilité sociale. Dans ce monde idéal qui nous sert de guide, un libraire indépendant ne se retrouve pas tout seul face à Amazon.