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Notre Charte

Cette charte de Villages Vivants a été validée par l’Assemblée Générale de la SCIC du 5 mai 2022. Issue d’un travail d’écriture associant les salariés de la coopérative, les membres du comité d’engagement, des bénévoles, sociétaires, locataires et partenaires, elle vise à porter la vision commune et le langage commun de l’ensemble des parties prenantes de Villages Vivants. 

Cette charte dit pourquoi nous travaillons, pour quelles raisons nous pensons nécessaire d’intervenir sur l’immobilier en milieu rural, quelles valeurs ont façonné nos propositions et par quels moyens nous agissons. Elle répond aussi au souhait de partager une vision qui, nous l’espérons, laisse un peu de place à l'utopie, tout en gardant les pieds sur terre. 

Lire la version courte de la Charte

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POUR DES VILLAGES VIVANTS ! 

Villages Vivants est une coopérative immobilière rurale et solidaire. Coopérative immobilière, car nous levons des fonds en vue d’acheter, rénover et louer des biens immobiliers. Rurale, car nous intervenons dans les territoires de campagnes, villages et petites villes. Solidaire, car nos choix d’investissement ne sont pas dictés par les seules logiques de rentabilité économique : nous accompagnons des porteurs de projets engagés dans un entrepreneuriat social, collectif et de proximité, répondant aux besoins des territoires. Nous travaillons à la plus grande transparence et à l’équité des conditions auxquelles nous les installons, de la qualité des travaux réalisés dans leurs locaux jusqu’au montant des loyers.

Villages Vivants a l'ambition de porter l’immobilier, la finance et l'entrepreneuriat au service des territoires, des projets, et des citoyens. Nous défendons un modèle où les citoyens ont un rôle essentiel pour financer et construire l’économie de demain. Une vision où ils peuvent prendre en charge un portage collectif de la propriété, en plaçant leur épargne dans des projets immobiliers pour des campagnes vivantes. 

Villages Vivants s’inscrit dans une histoire du changement social porté bien avant lui par des acteurs de la finance solidaire, du développement rural, de l’éducation populaire ou de la propriété collective. Nous cherchons à travailler en réseau et en complémentarité avec ces initiatives, le faire avec et le faire ensemble étant au cœur de notre projet coopératif.

Nous avons fait le choix du statut de coopérative afin d’intégrer toutes les parties prenantes au projet, confronter leurs voix et leurs enjeux, afin de constituer un projet commun, orienté vers l’intérêt général. Nous cherchons à travailler en réseau, du local au global, depuis le groupement d'épiceries coopératives jusqu’aux acteurs nationaux du financement des entreprises, des élus locaux aux programmes d’État, des citoyens épargnants solidaires aux fondations. Ce fonctionnement traduit notre vision de l'entrepreneuriat : en se construisant en logique ouverte (en termes de partenariats, d’ouverture de son capital, de culture de la coopération), il peut répondre à une vocation sociale et innovante, au sens où il apporte de nouvelles réponses efficaces à des problèmes sociétaux.

Nous proposons une vision optimiste et pragmatique en soutenant l’engagement citoyen et les initiatives locales au service des campagnes et de ses habitants. Cette vision se décline ainsi en cinq grandes thématiques qui sont les piliers sur lesquels s’est construit Villages Vivants, en adressant une proposition concrète aux problématiques constatées : les territoires ruraux, l’implication citoyenne, l’immobilier, l'entrepreneuriat et la finance. 

 

RURALITÉS : POUR DES TERRITOIRES DE PROXIMITÉ ET DE PLURALITÉ

Les villes ou les villages se sont historiquement construits sur la mixité d’usages et de fonctions : habiter, commercer, cultiver et produire, se déplacer, se divertir ou nouer des liens. C’est ce qui en a fait des lieux de vie, des lieux d’économie, des lieux de culture, des lieux politiques…

Les politiques d’aménagement du territoire ont pourtant longtemps été marquées par la logique du “zonage, responsable de l’éclatement des lieux de vie, d’habitation, de consommation, de production et d’emploi. Ce schéma, guidé par la recherche d’optimisation financière de l’espace (économies d’échelle, valorisation du foncier…) et l’appétit du secteur de la construction, a contribué à la croissance exponentielle des périphéries commerciales ou encore à la périurbanisation de l’habitat, conjointement pointées du doigt pour expliquer la désertification des centres-villes et villages. Derrière cette croissance extensive de l’urbanisation (à chaque commune sa nouvelle zone - industrielle, d’activités ou de lotissements) se cachent des maux connus : artificialisation des terres, conflits d’usages (notamment envers l’agriculture), mobilité subie ou encore délitement des liens sociaux. Il apparaît urgent de changer de trajectoire, pour passer d’un urbanisme producteur de friches à un urbanisme s’appuyant sur la réhabilitation de l’existant, et favorisant les liens humains. 

A une autre échelle, il s’agit de dépasser l’opposition entre la ville et le rural, entre les métropoles et le reste du territoire (les “campagnes” dont on oublie souvent la grande diversité !). Bien que cette inégalité soit régulièrement analysée et dénoncée par les géographes, les métropoles continuent de concentrer les lieux de décision, les services, l’emploi, face à des campagnes considérées tantôt comme “territoires oubliés” (au coeur des foyers de revendication du mouvement des Gilets jaunes) ou comme “territoires de consommation” pour les urbains (loisirs, tourisme et résidences secondaires, production agricole essentielle à l’explosion de la demande en “circuits-courts”,  voire télétravail…). Cette tendance, exacerbée par la crise sanitaire de 2020 et ses conséquences observées sur un “nouvel” exode urbain, veut que l’on calque sur les territoires ruraux des modèles de développement, services et modes de faire “urbains”, rentrant parfois violemment en conflit avec “l’existant”, non pris en compte. La tension accrue sur l’immobilier et la difficulté pour se loger, la pression sur les ressources naturelles, la concurrence territoriale, l’incompréhension des habitants face à l’arrivée de nouveaux concepts “urbains” inadaptés à leurs attentes sont-elles les seules voies possibles à cette recomposition territoriale en cours

Pour Villages Vivants, accompagner l’installation d’activités commerciales, artisanales, associatives sur les territoires vise à en refaire des lieux mixant les usages et les fonctions, des espaces de rencontre et de vie. C’est aussi favoriser l’équilibre entre les territoires, valoriser leurs spécificités, permettre leur autonomie. 

 

CITOYENNETÉ : POUVOIR S'ENGAGER DANS LE TERRITOIRE HABITÉ

Nous croyons qu’il est essentiel de donner à chacun les possibilités de choisir son lieu de vie et d’habitation et de s’y investir dans des projets associatifs, culturels ou entrepreneuriaux, en reprenant des commerces ou proposant de nouveaux services, etc.

Nos modes de vie peuvent amener à changer régulièrement de casquette au fil d’une vie, et même au cours d’une journée, passant de “l'urbain” au “rural”, de “banlieusard” à “périurbain”, d’une étiquette à une autre. Des casquettes parfois choisies, parfois contraintes, ou que l’on nous attribue, chacun pouvant se retrouver tour à tour le “néo-…” de l’autre. Face aux climats conflictuels ou défiants que connaissent nombre de campagnes aujourd’hui, transformées par l’arrivée de nouveaux habitants aux tendances identitaires (appels à défendre “sa” ruralité), et face parfois à de nouvelles pratiques (agricoles, entrepreneuriales, d’habitat…), il paraît crucial de créer les conditions de la rencontre et de l’échange. Nous croyons que les lieux ouverts à tous ont ce pouvoir de croiser les publics, qu’il s’agisse du marché hebdomadaire, du café, de la médiathèque, ou pourquoi pas de nouveaux tiers-lieux multi-fonctions, à cheval entre espace public et espace privé, et misant sur l’implication de leurs usagers. 

Non, le supermarché n’est pas le seul espace de vie sociale du 21e siècle ! L’espace de rencontre ne saurait se réduire à l’espace de consommation, d’autant plus face à la digitalisation de ce dernier. Le développement des services, du commerce et des réseaux sociaux en ligne apparaissent comme des palliatifs à leur carence réelle sur les territoires. Ils en sont aussi une des causes. A l’heure de l'instantanéité des échanges, de la consommation à toute heure, de la digitalisation des services publics, de la fragilisation de l’implication politique ou associative, il est urgent de réaffirmer la primauté du lieu social dans la question du lien social

Si nos campagnes centralisent de nombreux conflits sociaux aujourd’hui (cristallisés autour de luttes aussi symboliques que médiatisées : le loup, le prix de l’essence, l’épandage à proximité des habitations…), c’est qu’elles sont le lieu de débats de fond sur notre modèle social et écologique, notre lien à la terre et aux ressources. Préservons ce débat, mais préservons-nous de l’accaparement de ces territoires par les uns ou les autres ! Nous souhaitons nous réapproprier les notion de “pays” et d’initiatives rurales, celles des mouvements d’agriculture dite “paysanne” et d’éducation populaire : "pouvoir vivre, travailler et décider sur nos territoires de vie”, c’est privilégier le local, l’ancrage de ses activités, l’indépendance, les spécificités territoriales, refuser certains excès sans pour autant céder à l’identitarisme ou au repli sur soi. 

Nous souhaitons aussi encourager les divers modes de coopération entre acteurs publics et privés. Nous défendons le rôle des collectivités locales et de l’action publique au service du développement local, et la pertinence de l’échelon communal. Mais l’intérêt général se défend aussi au travers du pouvoir d’agir des citoyens, de la volonté d’entrepreneurs ou de propriétaires, ou encore du soutien d’acteurs financiers. Surtout, c’est lorsque ces différents acteurs de la société croisent le mandat des élus et les différents échelons de “l’ingénierie territoriale” que peuvent naître des solutions collectives et créatives face aux enjeux sociétaux. 

 

L’IMMOBILIER COMME UN OUTIL : DE LA LOI DU MARCHÉ A LA VALEUR D'USAGE

Vivre et entreprendre sur le territoire habité impliquent d’avoir accès à la terre, à un lieu de vie ou encore à un local adapté à son projet commercial ou associatif. Or, l’immobilier rural n’a rien d’un marché autorégulé… Bien au contraire, la spirale spéculative ou à l’inverse la tendance à l’abandon du patrimoine immobilier peuvent être sources de blocages à l’installation ou à la pérennisation d'activité.

Certaines petites villes ou villages en déshérence connaissent ainsi un nombre galopant de locaux vides ou de friches, la vacance commerciale des rez-de-chaussée étant bien souvent un symptôme de la vacance résidentielle et de “l’état social” des centres-bourgs. Alors que le patrimoine abandonné se multiplie et qu’il est souvent difficile d’identifier les propriétaires, ceux-ci sont par ailleurs peu enclins ou en capacité à louer leur local, à investir davantage et à réaliser les travaux nécessaires, étant donné les faibles valeurs et rentabilités locatives (et l’absence ou la difficulté à obtenir des aides publiques). Ils sont également las du turn-over et des impayés trop fréquents et lorsqu’ils peuvent louer les logements en étages, délaissent parfois le local en rez-de-chaussée peu rentable. Les porteurs de projets en installation dans ces zones peu attractives ne peuvent pas toujours investir et les biens restent vides, ils se délabrent, renforcent le sentiment d’abandon, diminuent l’attractivité, freinent de nouveaux investissements... La boucle est bouclée. On se retrouve parfois dans des situations paradoxales où ce ne sont pas les entrepreneurs qui font défaut, ni même le nombre de locaux vides, mais leur disponibilité en l’état : c’est l’inadéquation entre la demande (taille et commodité des locaux) et l’offre (locaux non rénovés, non remembrés, manque de volonté des propriétaires…) qui entraîne une fuite des projets vers des zones plus attractives, ou vers la solution “facile” de la zone d’activité périphérique. 

Inversement, certains territoires ruraux connaissent un regain d'intérêt, l’arrivée ou le retour de nouvelles populations (en résidence principale ou secondaire), et son corollaire, une pression foncière galopante. L’accès à la propriété devient alors problématique, voire parfois impossible, pour certaines catégories de population et les enfants du pays qui sont parfois contraints de quitter leur village pour acheter et même louer un logement. Du côté de l’immobilier commercial ou tertiaire, les investissements se concentrent là où les rendements locatifs sont les plus importants, la demande la plus forte et la perspective de plus-value à la revente la plus alléchante, contribuant ainsi à la spirale spéculative. Dans ce contexte, il devient compliqué en particulier pour des activités à rentabilité limitée ou en création d’accéder à l’immobilier, que ce soit en propriété ou en location. 

On observe par ailleurs que là où les activités réussissent à s’installer et se développer, celles-ci ne bénéficient pas toujours des impacts de la redynamisation de leur territoire, à laquelle elles contribuent pourtant activement. Ces cafés associatifs, épiceries citoyennes ou tiers-lieux, qui redonnent de la valeur aux bâtiments investis, se retrouvent en difficulté pour payer des loyers qui augmentent, ou dans l’incapacité de racheter pour pérenniser leur installation. 

Face à ce constat, s’inventent depuis des dizaines d’années des modes alternatifs de propriété, privilégiant et garantissant l’usage, par le portage et la gestion collectifs et désintéressés de la propriété immobilière, et la création de communs. C’est le cas d’initiatives locales comme la Société Civile des Terres du Larzac ou la SCIC L’Arban du Plateau de Millevaches, ou nationales comme Terre de Liens ou Habitat et Humanisme, sources d’inspiration pour Villages Vivants. Dans ces modèles, c’est le nombre important de propriétaires et leur rotation qui permettent de diluer le capital. La gouvernance comme le capital sont partagés par les usagers, ou plus largement par les citoyens, ce qui permet à l'intérêt général de l’emporter sur l'intérêt individuel. En rupture avec le modèle capitaliste, ces montages permettent aussi une plus juste répartition de la valeur : les fruits produits par la propriété sont réinvestis sur le ou les projets entrant dans l’objet social, et non distribués à une minorité possédante. Les biens sont sortis du marché évitant enfin une spirale spéculative. Grâce à ces mécanismes, la valeur d’usage est déconnectée de la valeur vénale. La propriété et la gestion collective sécurise l’usage sur le long terme.

En dégageant le porteur de projet de l’investissement immobilier au démarrage, ces montages rendent possible la création ou la reprise d’activités qui n’auraient pas pu avoir lieu autrement. Ces montages facilitent également la transmission d’activité : il n’y a que le fonds de commerce à racheter pour le repreneur, pas le local – l’investissement de départ est moins important et plus supportable.

 

ASSOCIATIONS ET ENTREPRISES : LA FORCE DU PROJET COLLECTIF

Au-delà des freins immobiliers, la création et plus encore la pérennisation d’activité, en particulier dans des territoires peu denses, se heurtent souvent à l’isolement du porteur de projet, de l’entrepreneur. Elle ou il doit savoir et pouvoir tout faire (gestion, production, commercialisation…), s’endetter, et travailler sans compter ses heures, à l’image du chef d’exploitation agricole ou de l’épicier multi-services. Au niveau national, seules deux entreprises sur trois existent encore au bout de trois ans et seulement une sur cinq au bout de cinq ans. Les conséquences sont parfois dramatiques : épuisement, auto-exploitation, faillite, endettement ou ruptures familiales.

Dans certains secteurs d’activités, comme le commerce de proximité franchisé, une grande partie de la valeur créée localement remonte aux maisons mères qui pourtant ne partagent que peu les risques. Loin des circuits courts, les produits distribués (contrats avec de grands distributeurs de boissons ou d’épicerie par exemple) ne participent que peu à la création de valeur sur le territoire, engendrent des dépendances et ne favorisent pas le développement de filières locales.

Même en cas de réussite, l'entrepreneuriat individuel ou le commerçant est confronté à la question de la transmission. Dans le cas du commerce de proximité, la constitution et la vente du fonds de commerce représente une forme de capitalisation pour la retraite. Or, dans des territoires ruraux ou les centres des petites villes, les emplacements et le type de commerce ne sont plus forcément attractifs. Combien de boulangeries, épiceries, cafés ferment faute de repreneurs ? Combien de commerçants retraités (et souvent à un âge avancé) déchantent quand ils réalisent que la valeur de leur fond est largement surestimée, du point de vue du “marché”, quand la rareté des nouvelles vocations croise le choix raisonnable de ne pas vouloir s’endetter à reprendre une activité ?

En rupture avec les écueils du modèle individuel et le mythe de la réussite facile des “start-up”, l'entrepreneuriat collectif ou désintéressé peut répondre aujourd’hui aux besoins autant des habitants que des territoires. Les associations, SCIC, SCOP, CAE, offrent un cadre d'entrepreneuriat collectif où le risque tout comme la valeur sont partagés, où la rémunération du travail est privilégiée sur la rémunération du capital, où la transmission est encadrée par la limitation voire l’absence de revalorisation des parts sociales et où les salariés (ou plus largement toutes les parties prenantes dans le cas des SCIC) participent à la gouvernance de leur structure. Dans le modèle coopératif, la réussite et la pérennité collective dépassent les schémas individualistes ou court-termistes. 

De leur côté, les associations peuvent aussi porter de manière collective, par un groupe d’habitants bénévoles, des projets de café, de restaurant ou d’épicerie dans le champ de l'intérêt général. Dans ce cas, c'est bien l'intérêt des bénéficiaires, du territoire et de ses habitants qui est visé. Aucun café associatif n’a déménagé en zone commerciale pour accroître sa marge… Mais nombre d’entre eux embauchent des salariés (relai souvent essentiel au bénévolat) et font vivre des producteurs locaux par leurs choix d’approvisionnement. Les résultats économiques doivent participer à l’équilibre financier pour atteindre l’objet social et non forcément générer du bénéfice. Ces projets portés par et pour les habitants sont une réponse à la défaillance du marché et proposent une alternative qui participe à la création de richesses économiques, sociales ou culturelles.

 

RECONNECTER LA FINANCE AVEC L’ÉCONOMIE RÉELLE DES TERRITOIRES

Entreprendre, comme acquérir et rénover des biens immobiliers, nécessite d’avoir accès à des financements. Ce besoin est pourtant confronté à la déconnexion entre la finance et l’économie réelle, quand ce sont les projets attractifs qui sont favorisés par leur rentabilité à court terme, malgré leurs impacts sociaux ou environnementaux. Les territoires ruraux sont ici particulièrement concernés, considérés la plupart du temps comme risqués et peu rentables, alors que les programmes immobiliers ou projets entrepreneuriaux en grande ville attirent facilement des investissements. 

Parmi les acteurs de la finance, les banques jouent un rôle central dans notre société : elles gèrent les moyens de paiement, octroient des crédits et ont le monopole des dépôts. Sans elles, l'économie ne tourne pas. Mais dans quoi investissent-elles ? A quelles entreprises, quels secteurs, prêtent-elles de l'argent ? De plus en plus d’acteurs, ONG ou associations (parmi lesquels les Amis de la Terre, Reclaim Finance, Finance Watch…) interpellent les banques sur leur responsabilité dans les dérèglements climatiques et leur manque de transparence quant à la publication de leurs données financières (paradis fiscaux, investissement dans des industries polluantes ou armement). Comme pour les fonds de pension ou d’investissement, c’est le plus souvent une logique capitalistique, dans laquelle la principale variable observée est la rentabilité à court terme des capitaux, qui guide leurs investissements.

Localement, de nombreux projets qui privilégient l’utilité sociale plutôt que la seule rentabilité financière sont ainsi confrontés à des difficultés d’accès aux financements classiques. Des collectifs, associations, coopératives portent des initiatives pour offrir des services de proximité aux habitants, favoriser le lien social, créer des emplois, pérenniser des filières locales et responsables, apporter du dynamisme entrepreneurial et commercial dans les villages et petites villes. L’immobilier figure justement parmi les postes nécessitant des financements importants au démarrage d’un projet - faute de les obtenir, ces acteurs se retrouvent souvent dans des locaux inadaptés, peu qualitatifs ou précaires. Pourtant, certaines sociétés, notamment les start-up, sont capables de lever facilement des millions d’euros avec une promesse de plus-value, peu importe le nombre d’emploi créé, la réponse aux grands enjeux sociaux ou environnementaux, leur déconnexion de l’économie classique. 

Face à ces déséquilibres, une finance solidaire et transparente, au service de l’économie réelle et à la hauteur des défis sociaux et environnementaux existe. Contrairement à la finance classique, orientée principalement vers la recherche du profit, la finance solidaire se fixe pour priorité la recherche de l’utilité sociale. Les organismes historiques de la finance solidaire (l’ADIE, Habitat et Humanisme, la Nef, les Cigales, France Active, les banques coopératives…) ont imaginé des mécanismes de solidarité dans la finance.

Le secteur se structure et définit ses critères, notamment avec le Label Finansol, afin de garantir aux citoyens ou aux fonds institutionnels le bon usage des produits d’investissement solidaire. La solidarité des investissements se manifeste au niveau des sommes placées, tout ou partie du montant placé doit financer des projets d’utilité sociale et/ou environnementale. L’association FAIR (ex Finansol) fédère les principaux acteurs de la finance solidaire, notamment des banques coopératives et fonds d’investissement solidaire. 

Plusieurs modalités de collecte de fonds font avancer le secteur. D’une part, la collecte de l’épargne (des particuliers et l’épargne salariale) via des banques ou des fonds solidaires, pour investir dans les entreprises solidaires. D’autre part, certaines entreprises de l’ESS, plutôt grandes, notamment les foncières solidaires, créent leur propre outil de collecte de fonds et proposent aux citoyens d’investir directement. Et plus récemment, l’émergence des plateformes de levée de fonds en ligne, le financement participatif en don, en prêt et en capital, permet également de nouvelles formes de financement, en connectant directement le porteur de projet et les citoyens qui veulent soutenir la création d’entreprise. Aujourd’hui, la palette d’outils financiers proposés aux TPE et PME de l’ESS est large : microcrédit, garanties, prêt d’honneur, apport en fonds propres, … et se doublent bien souvent d’un accompagnement humain aux porteurs de projets. 

Dans ce sillon de la finance solidaire, Villages Vivants souhaite contribuer aux réflexions et au développement d’une finance des circuits courts en zone rurale. Des outils financiers adaptés pourraient contribuer à la préservation du patrimoine rural, au renforcement de la cohésion sociale et plus globalement à l’amélioration du cadre de vie des habitants, avec cet enjeu central de préserver l’équilibre entre la pertinence sociale de l’investissement dans les territoires ruraux, une garantie de liquidité à long terme et une rémunération juste des citoyens épargnants ou institutionnels pour leur effort de financement sur le temps long. En acceptant de produire des intérêts financiers limités ou nuls, ces placements freinent la spéculation foncière sur ces territoires. Nous affirmons ainsi que la finance solidaire est le moyen de se réapproprier la finance, donner du sens à l’épargne, l’utiliser comme un moyen coopératif et “vivant”, au service des territoires, de l'économie réelle, des projets locaux, de la transition écologique et de la création d’emploi. La finance n’est plus une fin en soi ou un outil spéculatif mais une manière d’agir concrètement.

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